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Long parcours de TCA

J’ai 21 ans et ça va faire environ 7 ans que je souffre de TCA. Si une seule personne s’identifie à ce que j’ai pu vivre alors mon témoignage aura une utilité.

Pour la faire courte, je suis passée par plusieurs TCA différents : anorexie, boulimie, hyperphagie, alternant entre chacun d’entre eux à certains moments de ma vie comme présentement.

 

Pour les plus courageux, je vais développer un peu mon parcours. Je précise qu’à ce jours je ne suis pas totalement sortie des troubles alimentaires mais je suis sur le chemin de la guérison.

J’ai toujours eu un rapport à la nourriture et au corps très compliqués. J’ai grandi dans une famille et un environnement grossophobe dans lequel j’étais la seule à ne pas être « skinny ». Lors de mon enfance, on m’a beaucoup trop fait de remarques sur mon corps qui soi-disant ne correspondait pas aux idéaux de beauté (inutiles) de notre société même si je n’étais pas du tout en surpoids ou en mauvaise santé. Mes parents s’arrangeaient pour contrôler ma nourriture comme par exemple quand ma sœur pouvait manger autant de tranches de brioches au Nutella qu’elle le souhaitait, moi on me limitait en quantité et on m’orientait vers des aliments soi-disant plus sains comme des choses allégées, des fruits, … (petite précision : aucun aliment n’est sain ou pas sain, aucun ne fait grossir ou maigrir !). J’ai toujours grandi dans un environnement où j’étais la plus grosse alors même que mon IMC était tout à fait normal. Ironiquement, j’ai également été très souvent en conflit avec mes parents au moment des repas : chez moi, il était inconcevable de sortir de table tant que l’assiette n’était pas vide sous peine de punition (douches froides, interdictions de sortir de table quitte à y passer la nuit, privation de télé, etc.). J’ai donc grandi en développant un rapport à la nourriture assez chaotique.

Vers mes 14 ans, j’ai commencé à rencontrer de nouvelles personnes l’été à la plage. Là où encore une fois mes amies étaient toutes « skinny », moi j’avais des petites formes. Bien que ce poids et ma morphologie n’était en rien problématique, je ne pouvais pas m’empêcher de vouloir ressembler aux autres filles, celles de mon entourage ou des médias, de me Comparer. J’ai commencé à traîner sur Tumblr et à voir de plus en plus de filles minces voir ultra minces. J’ai commencé à changer mon alimentation, au départ tout à fait inconsciemment. Je cherchais à ce que mes assiettes correspondent à ce qu’on voit comme étant une alimentation « healthy » prônée par la dietculture. Puis un jour, j’ai découvert une communauté malsaine sur les réseaux qui prônait la perte de poids et la maigreur extrême. Ça a été le début de mon premier TCA : lʼanorexie. Je tenais un carnet dans lequel je notais mon poids et mes mensurations. Je les notais de plus en plus régulièrement. Je notais ce que je mangeais pour savoir quoi « corriger », compenser puis à la fin je notais les calories avec des objectifs à atteindre de plus en plus dangereux. J’inscrivais aussi dans ce carnet des photos d’inspirations de minceur, des phrases « motivantes » (pour mieux me détruire) et des pensées insultantes envers moi-même. Là où ce carnet était censé m’aider à me motiver, le résultat a finalement été l’opposé et m’a coincée dans une spirale infernale. A la fin de l’été, j’avais déjà perdu beaucoup de poids mais trop peu à mon goût au vu de toutes les frustrations et l’énergie que j’avais fourni pendant les 2 derniers mois dans le but de perdre du poids. C’était terriblement frustrant pour moi. Je ne me rendais pas compte que c’était la maladie qui n’était pas contente en fin de compte. Le midi au lycée, j’étais externe alors j’allais marcher au lieu d’aller manger chez ma mamie ou avec mes amies. Le soir, je prenais ma douche immédiatement après le repas, en musique, pour ne pas qu’on ne m’entende vomir. Mais malgré tous mes efforts, le poids le plus bas que j’ai atteint n’a jamais correspondu à mes attentes.

A un moment de mon adolescence, j’ai eu quelques soucis de santé qui ont fait que j’ai repris un peu de poids. C’est là que j’ai basculé de l’anorexie vers la boulimie. J’ingurgitais des quantités de nourritures astronomiques alors même que je n’avais pas faim et je me faisais ensuite vomir. J’ai pris énormément de poids cette année-là. J’avais laissé de côté mon carnet alimentaire et je l’ai remplacé en 2016 par un carnet où je notais toutes mes pensées négatives. En fait, en plus de souffrir de TCA, je souffre également de dépression depuis mes 12 ans. Dans ce nouveau carnet, je notais à quel point je me haïssais et à quel point je préférais mourir que de ressembler à ce que je ressemblais. C’était en plus la période des jeans ultra moulants et des trends pensés uniquement pour les femmes minces. J’ai le souvenir de pleurer dans des cabines d’essayages et de rentrer à la maison compenser ces émotions par de la nourriture. Je me suis également beaucoup disputée avec ma mère qui voyait très mal cette prise de poids.

Après le lycée, j’ai commencé la fac dans une ville qui me permettait enfin de vivre seule. Malheureusement, bien que la première année se soit globalement bien déroulée sur le plan alimentaire, sur le plan scolaire c’était différent puisque j’ai dû redoubler. Ma deuxième L1 fut ma transition de la boulimie vers l’hyperphagie. J’étais en pleine phase de phobie scolaire et toujours en dépression avec des troubles anxieux (oui ça fait beaucoup de diagnostics mdr). Je passais mon temps à avaler des quantités énormes de nourriture sans faim, juste pour ressentir quelques choses. Je mangeais quand j’étais stressée, triste, déprimée, en colère, frustrée, etc. Toutes mes émotions négatives étaient calmées par des aliments. Je commençais également à ce moment-là à avoir du mal à sortir de chez moi et à de ce fait me faire livrer souvent des plats à domicile. Et coincée dans mon 20 m², j’avais arrêté toute activité physique. Ces comportements m’ont fait à nouveau prendre du poids.

Depuis le premier confinement en 2021, ça a été le yoyo entre ces 3 TCA. Avec des périodes alimentaires hyper restrictives ou au contraire hyper consommatrices. Cependant, une chose était quasi inévitable : quand je rentrais chez mes parents, je crisais. En septembre, j’ai obtenu mon permis de conduire, et alors qu’avant je devais rentrer régulièrement pour conduire à l’auto-école, maintenant je pouvais rentrer seulement quand j’avais un événement important dans la ville de mes parents. J’ai commencé à faire moins de crises et le problème semblait se régler tout seul.

Au mois de mars 2022, j’ai dû passer le mois entier chez mes parents pour un stage en lien avec mes études. Ce mois a été très difficile psychologiquement au point où mon corps ressentait les symptômes d’une maladie que je n’avais pas. Mon médecin m’a alors parlé de la possibilité de faire une enquête alimentaire pour essayer dʼenfin venir à bout de mon alimentation chaotique. Je suis toujours en suivie d’enquête alimentaire actuellement mais grâce à mon médecin, j’ai réussi à reprendre une alimentation plus apaisée et normale (c’est-à-dire que je mange enfin plusieurs fois par jour, et de vrais repas un peu plus équilibrés).  Reprendre une alimentation plus normale et régulière m’a fait perdre du poids. Mais l’objectif du suivi avec le médecin est tout autre : retrouver un rapport serein à l’alimentation. D’ailleurs, l’autre jour, j’ai réussi à ouvrir un paquet de gâteaux et à m’arrêter de manger quand je n’avais plus faim et non pas quand le paquet était vide. C’est surement une victoire minime pour les gens qui n’ont jamais souffert de TCA mais pour moi, c’était une immense fierté.

Je ne vais pas mentir, j’ai toujours une voix dans ma tête qui veut que je compte les calories, que j’arrête de manger autant ou au contraire que j’engloutisse mon placard. J’ai toujours l’impression que je ne m’en sortirais jamais réellement et je continue encore de faire une fixette sur mon poids. Mais pour la première fois en 7 ans, j’ai enfin l’impression de me rapprocher d’un rapport à la nourriture sain. Pour ce qui est du rapport au corps cependant, je suis toujours en plein combat contre moi-même. Rien que l’autre jour, j’ai acheté un pantalon en pleurant parce que j’avais honte de pas faire du 36 comme les femmes de ma famille. Au final, une fois reçu je me suis aperçu qu’il était beaucoup trop grand pour moi. Cette anecdote prouve que j’ai énormément de mal à visualiser à quoi je ressemble réellement, mais j’imagine que ça viendra avec beaucoup de patience et de bienveillance envers moi-même.

Voilà je crois que mon histoire est plus ou moins complète. J’ai très probablement oublié des choses mais je pense avoir résumé le principal. Je n’ai jamais parlé de mes TCA à mes proches et ils ne s’en sont jamais souciés. Je pense que de toutes façons, dans une société aussi grossophobe, peu de gens s’intéressent aux TCA chez les personnes avec des formes d’autant plus. Mais j’espère que mon témoignage pourra au moins permettre à quelqu’un de se sentir représenté. En tout cas, je souhaite à tout.e.s lecteurs.rices une vie pleine de bonheur et de bienveillance et que même si c’est un combat long et douloureux, des gens s’en sortent bien alors pourquoi pas nous ?

 

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Date de dernière mise à jour : 13/02/2023

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