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Anorexie en guérison

Bonjour, je n’ai pas envie de témoigner avec mon nom. Alors, dans ce texte je m'appellerai Luciole. Luciole car même quand il fait tout noir, il y a toujours autour de nous une lueur d’espoir.

Je suis une femme de 20 ans, qui a un trouble du comportement alimentaire de type anorexie. Je n’aime pas dire que je suis anorexique, car non « anorexique » n’est pas un trait de ma personnalité. Par contre, j’ai un trouble anorexique comme je pourrais avoir un rhume ou un cancer. Quand on a un rhume, on n’est pas le rhume tout comme quand on est victime de l’anorexie, on n’est pas anorexique. Ce trouble a commencé au début du premier confinement 2020.

 

Voici mon histoire :  

Depuis que je suis petite, je me pose beaucoup de questions sur mon alimentation, sur ce que je montre aux autres de moi à travers mon apparence et mon attitude, sur ce que c’est que d’être une femme, sur ma vie en général en fait. Mes parents ont toujours pris soin de bien nous nourrir, de bien nous faire à manger à mon frère et à moi. De plus, ma mère portait une attention particulière à notre apparence, à nos vêtements, … Enfin, je suis passionnée de danse depuis mes 5 ans, passionnée de sport en général. Je dirais que j’ai vécu une enfance heureuse et aimée.

Je suis une personne timide, qui a du mal à communiquer avec les autres, l’expression de mes émotions, de mes douleurs, de mes tristesses, de mes colères, … par la parole n’est pas aisée pour moi et donc tout au long de mon enfance c’est par mon corps que j’exprimais mes émotions fortes : par la danse, par des blessures, par des maladies, … et donc à 20 ans par l’anorexie ! C’est je pense en partie pour cela que j’ai un rapport compliqué à mon corps depuis très longtemps, bien avant la maladie. Je suis hypersensible, avec une faible confiance en soi et une faible estime d’elle-même. Je suis aussi très perfectionniste. J’ai besoin de la validation des autres, je me pose beaucoup de questions tout le temps et sur tous les sujets et je me compare beaucoup à ceux qui m’entourent. J’avais peur de la vie d’adulte et de femme.

En septembre 2019, ma vie étudiante a commencé. J’habitais dans un appartement, je prenais mon indépendance. Ça me plaisait beaucoup. Étant timide, sociabiliser n’a pas toujours été facile. Mais au fil des mois, je prenais mes habitudes, je me faisais des amis, j’étais de plus en plus à l’aise. J’avais un emploi du temps bien chargé entre la danse, les cours, ma vie sociale et les aller-retour chez mes parents le week-end. Je ne prenais pas beaucoup de temps pour moi mais cela ne me dérangeait pas plus que ça. J’étais heureuse, j’avais de bons amis, je dansais et je me plaisais dans mes études.

En mars 2020, tout s’est arrêté et je suis retournée chez mes parents pour passer le confinement en famille, avec un jardin. Au début du confinement, je me suis pesée (ce que je ne faisais jamais habituellement). J’ai remarqué à ce moment-là que j’avais dépassé de quelques kilogrammes mon poids habituel, et ce après avoir passé quelques mois en autonomie, sans le regard de mes parents sur mon alimentation. Je me suis dit directement que je ne devais surement pas bien manger lorsque j’étais seule à mon appartement, que sans le regard de quelqu’un sur mon assiette je ne savais pas bien manger, que par moi-même je ne savais pas quelles quantités manger, … J’ai eu peur aussi. Ce poids en plus me faisait peur. Ça n'aurait pas dû. Et pourtant…

J’ai voulu à ce moment-là perdre du poids par moi-même, sans l’accompagnement d’un professionnel qui aurait pu m’éviter de plonger dans l’anorexie. Je n’en ai même pas parlé à mes parents et à mes amis. J’ai commencé par enlever petit à petit le goûter, puis à ne plus manger certains aliments. Je voulais avoir « une vie saine ». Je faisais du sport très régulièrement toute seule ou en visio. Au début, ça n’a pas posé de problème. Ma famille ne l’a pas remarqué. Je suis retournée à mon poids habituel en quelques semaines. Et comme le corps fait naturellement tout pour se maintenir à ce poids d’équilibre, mon poids s’est stabilisé (même si je ne mangeais sûrement pas assez).

Fin juin 2020 et pour tout l’été 2020, j’ai commencé mon premier job : aide à domicile. J’habitais chez mes parents pour l’été. Je n'ai pas du tout été formée pour ce travail. J’effectuais des tâches compliquées, à haute responsabilité. Je devais constamment m’adapter à des situations pour lesquelles je n’avais pas été préparée. Le temps de chaque intervention était compté, à la minute près. Ce travail m’a beaucoup stressé. Il me demandait une grande dépense physique et mentale. Pourtant, je limitais mon alimentation. Au départ, ce n’était pas conscient. Mais, petit à petit, des pensées de restrictions, la peur de grossir et de trop manger, la peur de devenir flasque ont pris de plus en plus d’importance. Je perdais rapidement du poids. Au milieu de l’été, j’ai perdu mes règles, c’était le premier signe inquiétant. J’avais alors un IMC de 19,5 (donc dans ce que certains appellent « la norme »), mais j’étais déjà en mauvaise santé. L’IMC n’est pas forcément un bon indicateur. C’est également à ce moment-là que pour la première fois, une amie proche remarquait ma perte de poids. Je suis allée consulter ma médecin généraliste qui ne s’est pas du tout inquiétée. Mes parents non plus ne se sont pas inquiétés et ont mis cette perte de poids sur le compte du stress et du travail. Ils m’ont d’ailleurs conseillé d’abandonner le job en cours de contrat mais voulant finir ce dans quoi je m’étais engagée, je m’obstinais à continuer. Je ne comprenais pas trop ce qui m’arrivait mais je savais que ce n’était pas dû uniquement au stress. Maintenant je sais que la maladie était déjà là mais que je ne savais pas la nommer. Comme je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, je n’arrivais pas non plus à bien en parler à mon entourage, à décrire clairement ce qui se passait en moi. A la fin de l’été, mon poids avait chuté de manière spectaculaire alors que, dans ma tête, je n’avais déjà plus du tout dans l’objectif de perdre du poids. (J’ai la chance de ne jamais avoir idéalisé des corps super maigres.) Et pourtant, j’étais déjà prise dans l’engrenage terrible. Les démons étaient déjà dans ma tête. Je m’inquiétais pour moi-même sans réussir à en parler, sans réussir à mettre des mots sur ce que je vivais. En plus, j’ai été complimenté sur ma perte de poids. « Tu es bien comme ça aussi, ne t’en fais. » Ceux qui m’ont complimenté ne s’imaginaient pas ce qui se passait réellement dans ma tête et ce qui allait advenir. L'anorexie me donnait l'impression que je contrôlais ma vie. Dans un grand moment d'incertitude lié au Covid notamment, je pense que cette sensation de contrôle m'a fait du bien, était même une nécessité. J’avais d’ailleurs très peur de lâcher ce contrôle. Ma maladie a eu, je peux le dire maintenant, après de nombreuses séances avec une psychologue et une art thérapeute, des rôles et des fonctions dans ma vie. L'anorexie ne m'a pas touché par hasard. Par contre, cela est trop personnel pour que je le détaille ici.

Au début de l’année scolaire 2020, je suis rentrée en deuxième année d’étude supérieure. J’étais seule dans un appartement. Je ne me plaisais plus trop à la danse et les pensées de la maladie prenaient énormément de place dans ma tête. J’étais fatiguée. Je mangeais très peu et je dépensais mon peu d’énergie de manière forcée. Les pensées de la maladie devenaient des obsessions. Mon obsession pour la « vie saine » m’a détruite car, n’étant pas accompagnée par des professionnels et n’ayant pas assez de connaissance sur ce qu’est une vie réellement saine, je prenais des mauvaises habitudes, je suivais de faux préceptes, je développais de fausses croyances. La « vie saine » que je m’obstinais à avoir était en fait une vie destructrice. La vraie Luciole disparaissait laissant place à un fantôme, à une boule d’angoisse et de pensées, à un corps vide. Les peurs grandissaient. Les habitudes destructrices se développaient. Mon corps fondait. Mes règles n’étaient pas revenues évidemment. Je perdais toute ma joie de vivre. Mes parents ont commencé à s’inquiéter quand je suis rentrée chez eux après deux semaines sans les voir et que mes joues notamment s’étaient creusées. Chaque semaine, j’étais un peu plus fine, un peu plus blanche, un peu plus triste, un peu plus fatiguée.

En novembre 2020, le deuxième confinement a commencé. Ma famille a réellement pris conscience de l’importance de la maladie à ce moment-là. Ce deuxième confinement m’a plongé un peu plus dans la dépression et m’a sauvé en même temps. Car à ce moment-là, mes parents m’ont incité à demander de l’aide. J’ai accepté cette aide car je savais que j’étais bloquée dans une spirale infernale et que je ne m’en sortirais pas seule. Je n’ai jamais été dans le déni de ma maladie, je n’ai jamais refusé l’aide qu’on me proposait car je me sentais si mal et je voulais vivre heureuse. Au début, j’ai été mal écoutée, mal considérée, mal prise en charge par mon médecin traitant. J’ai en parallèle commencé un suivi psychologique. Voyant que je ne m’en sortais toujours pas, voyant que je continuais à perdre du poids et que je ne contrôlais plus rien de ma vie, je suis allée voir une médecin nutritionniste. Mon parcours de soin commençait. Nous étions en décembre 2020.

A ce moment-là, j’avais tout le temps froid malgré les polaires, les chaussettes de ski et le radiateur à fond. J’avais des engelures impressionnantes aux pieds, je perdais mes cheveux, j’étais déprimée et je n’avais plus aucune envie. Je n’avais plus mes règles, j’étais devenue hyperactive physiquement (tellement que j’en tremblais, volonté irrépressible de bouger TOUT LE TEMPS, frénétiquement) et mentalement, je ne ressentais plus la faim, je ne ressentais plus mon corps, j’étais anesthésiée. La maladie a fait taire mes émotions qui débordent en permanence et ma tête qui est toujours en train de penser (ça me faisait du bien, cela apportait du calme dans ma tête). J’avais souvent mal à la tête et j’avais des vertiges, j’avais le teint très pâle, on voyait mes os. J’étais sans arrêt dans mes pensées maladives, j’avais peur, j’étais stressée et angoissée. Mon transit et ma digestion étaient extrêmement perturbés, je n’arrivais plus à me concentrer, mon corps était fatigué et ma tête était en hyper vigilance constante. J’étais plus légère physiquement mais mes pensées étaient si lourdes et pesantes. Je pensais sans arrêt à comment manger moins ou faussement « healthy » et comment dépenser le plus d’énergie possible même quand j’étais au plus mal et fatiguée. Je n'étais en fait plus que maladie, Luciole avait disparu.

Au début de mon suivi médical, mon médecin nutritionniste m’a d’abord interdit de me peser à la maison. La balance a été cachée par mes parents. Je me pesais uniquement chez elle. La pesée était une source de stress énorme. Voyant la gravité de mes symptômes, elle m’a prescrit de me reposer, d’être le plus possible assise ou allongée, de ne faire ni sport ni marche. La danse était ma passion depuis 15 ans et j’étais devenue hyperactive alors ça a été très compliqué. La médecin m’a aussi prescrit des compléments alimentaires qui ont pour but de pallier les carences énergétiques et nutritionnelles. Elle m’a aussi donné un plan alimentaire, des quantités minimales à manger dans la journée. Mes parents m’ont beaucoup soutenu, me poussaient un peu à manger. Ils étaient désemparés face à la situation qu’ils n’avaient pas vu venir et face à la maladie qu’ils ne connaissaient pas. Même si je voulais m’en sortir, j’avais beaucoup de mal à appliquer les conseils de ma médecin. Je mentais. Je cachais.

J’ai dû mettre en pause mes études au début de l’année 2021. Je n’étais plus en capacité de suivre les cours, de les comprendre, de me concentrer.

En février 2021, je suis allée voir un psychiatre et j'ai commencé un traitement sous antidépresseurs et anxiolytiques. Ils avaient pour but de m'apaiser, de calmer mes angoisses, de calmer mon hyperactivité et d'améliorer mon moral. Ça a été dur pour moi au début d'accepter ces médicaments. J'avais honte un peu de mes prendre. Ça me faisait peur aussi de me tranquilliser. Mais en fait, ces médicaments m'ont été très utiles et m'ont aidé à guérir.

J’ai demandé en mars 2021 si je pouvais être hospitalisée car mon poids chutait encore, toujours plus. En mars 2021, j’ai été accepté à l'hôpital dans le service d’endocrinologie. J’étais dans un état grave. Plus rien n’allait. Même au plus mal, j’ai toujours eu envie de m’en sortir, j’ai toujours eu l’espoir. Je savais que j’y arriverais et que ça ne serait pas comme ça à vie. On m’a posé une sonde nasogastrique pour me renourrir d’urgence. Il n’y avait pas de suivi psychologique. C’est pour ça que l’hospitalisation dans cette unité ne m’a pas du tout guérie psychologiquement mais a commencé le soin de mon corps, la renutrition, ce qui était primordial. Ça a été 1 mois très difficile et long. Mais je me sentais plus en sécurité là que chez mes parents et l’hôpital était un environnement neutre, sans souvenirs et sans mes proches, ce qui m’a aidé au départ. Mes proches m’ont toujours soutenue, tant mes amis que ma famille. Après 1 mois, je n’en pouvais plus d’être enfermée dans ma chambre d'hôpital de 10 m² et de ne voir presque personne (période COVID oblige).

Avec ma famille, c’est à ce moment-là qu’une psychothérapie familiale a commencé. Nous nous réunissions une fois par mois et pendant 1 heure accompagné par 2 psychologues. Nous ne parlions pas que de la maladie. Cela nous a beaucoup aidé à engager le dialogue.

Je suis sortie de l’hôpital après 1 mois. De retour à la maison, n’ayant pas été soignée psychologiquement, la spirale de la perte de poids a recommencé. Heureusement pour moi (j’ai eu beaucoup de chance), une semaine plus tard j’ai été acceptée dans le service Turquoise de la clinique Saint-Yves à Rennes, une unité de 12 places spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. Cette unité se composait de psychologues, psychiatres, nutritionnistes, diététicienne, kinésithérapeute, psychomotricienne, art-thérapeute, et infirmiers. Je pouvais sortir de ma chambre et même dehors (de manière très encadrée et limitée bien sûr), voir les autres patients. Rencontrer d’autres malades et que l’on puisse se soutenir entre nous était agréable et aidant. Je n’étais plus seule avec ma maladie. On se battait tou.te.s.

Les professionnels m’ont donné à nouveau un plan alimentaire. C’est-à-dire que j’avais une alimentation variée et équilibrée et que tous les jours j’avais sur mon plateau des quantités de légumes, de féculents, de protéines, de lipides, de laitage et de fruits adaptées à mon corps et ma guérison. La renutrition et les prises alimentaires engendraient des gros maux de ventre, des gaz, des ballonnements et des désagréments au niveau du transit. Ça compliquait encore plus le fait de manger mais je savais que c’était inévitable si je voulais guérir. Je mangeais extrêmement lentement et je coupais bizarrement tout en petits morceaux. De plus, j’ai commencé un suivi psychiatrique et j’ai pris un traitement sous anti-dépresseurs pour alléger mon mental et m’apaiser. Dans cette clinique, j’ai été prise en charge tant sur l’aspect psychologique que sur l’aspect nutritionnel. Pour soigner les TCA, c’est un accompagnement pluridisciplinaire qui est très souvent nécessaire. J’essayais aussi au maximum de m’impliquer dans les soins et dans ma guérison. Seuls, sans la volonté et l’engagement du patient, les thérapeutes ne peuvent pas soigner. J’ai passé en tout 5 mois dans cette unité. Ce qui m’a vraiment beaucoup aidé, c’est de recevoir des petits SMS, des courriers, des appels téléphoniques de mes amis et de ma famille.

Après 2 mois à la clinique, j’ai réussi à oser rentrer chez mes parents pour le week-end. C’était un grand pas. J’ai réitéré tous les week-end jusqu’à la fin des 5 mois. Ça me faisait très peur de bousculer mes habitudes mais ça me faisait également beaucoup de bien d’entrevoir une vie normale et de voir ma famille. Ce que j’ai appris durant ma maladie, c’est que tant qu’on ne bouscule pas ses peurs, elles restent et prennent de l’ampleur. A partir du moment où on ose les affronter, elles prennent de moins en moins d’importance et on devient plus fort.

Après ces 5 mois hyper encadrée, hyper soignée, je suis sortie de la clinique en septembre 2021 et j’ai retrouvé ma maison. Je n’étais pas guérie loin de là, mais grâce au Service Turquoise, j’avais repris des forces et de la lucidité. J’étais un peu plus en capacité de me battre contre la maladie. Même si l’hospitalisation m’a fait énormément de bien, dans la guérison, il faut à un moment ou à un autre se confronter à la vie extérieure, sortir des hôpitaux et de la vie « protégée ». A ce moment-là, j’ai choisi de me couper les cheveux courts courts et de changer la disposition des meubles dans ma chambre : ces changements amorçaient un nouveau départ. Ma famille était très présente autour de moi pour m’aider, me soutenir, me rassurer mais aussi pour m’obliger à suivre le plan alimentaire et à me reposer comme je le faisais à la clinique. J’avais la chance que mon père soit à la retraite et que du coup il puisse m’accompagner toute la journée, il puisse me proposer des activités et des discussions, il puisse me faire à manger, il puisse m’inciter et m’aider à suivre les conseils des professionnels de santé. Honnêtement, je pense que sans ma famille à la sortie de la clinique, je serais retombée dans mes rituels destructeurs. J’ai gardé le contact avec certaines patientes de la clinique. On continuait à se soutenir. Ça me faisait et me fait encore du bien. J’ai retrouvé mon médecin nutritionniste et ma psychologue du début des soins. J’avais des rendez-vous hebdomadaires avec une kinésithérapeute. J’allais en hôpital de jour à Rennes dans le service Turquoise tous les mardis. Je restais toujours très entourée par les professionnels. C’était important.

Petit à petit à la maison, je me suis soignée. Chaque petit pas que je faisais me demandait un gros effort mais je savais qu’ainsi je me rapprochais doucement de ma vraie vie, libre et heureuse. Comme disait ma mère, je mettais des cales c’est-à-dire qu’à chaque petit pas, je faisais tout mon possible pour ne pas revenir en arrière. J’avais toujours très mal au ventre, j’étais très ballonnée. J’écrivais à cette période : « Ca me brume la tête et me brule le ventre ». Je dialoguais beaucoup avec mes proches sur ce qui m’arrivait pour les aider à comprendre et qu’ils puissent m’accompagner de la manière la plus adaptée possible. La maladie les a aussi fait souffrir. Pourtant, ils sont restés forts et nous sommes restés unis. J’ai essayé de cultiver les plaisirs de la vie hors nourriture et hors de la clinique. Quand on est malade, on ressent beaucoup plus difficilement le plaisir et l’envie.

En décembre 2021, j’ai commencé un suivi avec une art-thérapeute sur les conseils de ma mère. Étant créative et ne pouvant plus danser, j’ai beaucoup aimé cette thérapie. Le dessin, la peinture, les pastels, l’écrit, et le dialogue avec la professionnelle me libéraient. Mes productions exprimaient, sans que j’y réfléchisse, mes émotions qui débordaient, révélaient des blocages, des traumatismes, me permettaient de comprendre mon inconscient. 

C’est également à ce moment-là que j’ai loué un appartement à nouveau, près de mon lieu d’étude. Mon objectif était de reprendre ma scolarité en janvier 2022. Le premier janvier 2022, dans mon appartement, j’ai pour la première fois depuis le début de la maladie mangé une galette de la crêperie à emporter avec des amis.

En janvier 2022, j’ai donc réussi à reprendre mes études et le cours de ma vie étudiante. Je vivais au début de ma semaine, du dimanche soir au jeudi soir, dans mon appartement. Le reste du temps, j’étais avec ma famille à la maison. Le suivi médical était encore conséquent mais important. Ça n'a pas été facile, ça c’est sûr, car j’avais encore beaucoup de pensées maladives et, qu’en étant toute seule dans mon appartement, je pouvais faire ce que je voulais, je pouvais librement écouter la voix de la maladie qui tournait dans ma tête si je le souhaitais. Il n’y avait plus de contrôle sur mes comportements par des personnes extérieures qui m’aimaient. Je devais me battre toute seule contre ces démons dans ma tête. Par contre, après avoir passé 1 an sur le côté de la vraie vie, le fait de retrouver mes super amis, mes études, mon autonomie, un chez moi cocon, ... m’a donné beaucoup de force, la force de me battre contre cette maladie qui me privait de tous les bonheurs simples de la vie et de la jeunesse, de mes passions. Je me suis aussi engagée dans des projets associatifs et créatifs.

En mars 2022, je suis allée à un groupe de parole de l’association Solidarité Anorexie Boulimie. Il y avait des personnes qui comprenaient ce que je vivais, il y avait des personnes qui étaient très mal et des personnes qui allaient mieux. Il y avait aussi des proches des malades. La discussion était intéressante. Il y avait aussi une diététicienne spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. A ce moment-là, je recherchais un professionnels qui connaissait l'aspect alimentaire ET l'aspect psychologique des TCA. Ma psychologue et ma nutritionniste n’avaient pas ces deux casquettes. Il existe en effet des formations pour les diététiciens en psychologie des troubles du comportement alimentaire. Donc rapidement après cette réunion, j’ai entamé un suivi avec cette thérapeute. Elle m’a guidé et m’a rassuré. Je me sentais en confiance car elle connaissait l’aspect alimentaire de la maladie mais également l’aspect psychologique. Elle prenait le trouble dans son ensemble. Alors depuis, j’ai réussi à tester des nouveaux aliments, j’ai augmenté mes quantités, la peur de prendre du poids s’est un peu éloignée un peu, je prends plus de matière grasse et de sucre, je prends plus de plaisir en mangeant, … C’est aussi à ce moment-là, que j’ai commencé un « journal de bord ». J’y écris certaines de mes pensées et des comportements que la maladie m’inflige. J’y écris ce que mes pensées raisonnables répondent. J’y raconte aussi certains des événements de la journée qui troublent et remuent mes émotions (en positif ou négatif). J’y écris mes victoires et mes échecs. Cela m’aide à mieux comprendre mes émotions. Les écrire les rendent plus claires.

Au moment où j’écris, nous sommes en mai 2022. J’ai réussi à finir mon semestre universitaire. Quelle victoire ! Et en plus je l’ai obtenu !

J’ai énormément progressé depuis le début des soins il y a 1 an et demi sur le plan psychologique et alimentaire. J’ai pris du poids bien sûr. J’en ai encore à prendre avant d’arriver à mon poids d’équilibre. J’ai encore des blocages à dépasser, des peurs à surmonter mais ça va mieux. Je me libère petit à petit de l’emprise de la maladie, des peurs, des croyances et des angoisses. Je suis plus en contact avec la vraie Luciole, son vrai corps, ses vrais envies, ses vrais pensées, …

Je me sens bien dans mon appartement étudiant. Je continue mon suivi médical (psychologue, psychiatre, nutritionniste, diététicienne, art-thérapeute et kinésithérapeute. Oui ça fait beaucoup mais les rendez-vous sont moins fréquents avec le temps et la guérison progressive). Je crée et je dessine beaucoup. Je vois mes amis et ma famille. Je profite de ce retour à la vie. Je prends du temps pour moi, pour me reconstruire, me reposer, et redécouvrir la personne que je suis. J’ai beaucoup changé depuis le début de ma guérison. Je ne suis plus totalement la même, ni psychologiquement ni physiquement. Cette maladie m’a touchée pour une raison, elle a eu une fonction dans ma vie et il fallait que je comprenne cela pour pouvoir évoluer dans le bon sens. Cela a nécessité un gros travail sur moi-même et ce travail est encore en cours.

Je compte vivre un été heureux. Je compte continuer à prendre soin de moi. Je compte danser à nouveau bientôt. J’ai des rêves et je compte bien les réaliser. Pour ça, je me challenge encore, j’affronte mes peurs, je persévère. J’ai encore peur de voir mon corps évoluer. J’ai peur de me reposer vraiment aussi. J’ai peur de manger plus. Pourtant, j’essaye de le faire et de contrer cette maladie de mer** qui ne veut que mon malheur. Je culpabilise beaucoup moins. Il le faut, un peu chaque jour, si je veux retrouver une vie simple, légère et libre bientôt, si je veux me débarrasser de la maladie. Je sais qu’il va falloir que je mange plus (et chouette, j’ai beaucoup moins mal au ventre maintenant, merci la renutrition !), peut-être (surement) plus que les autres même si je n’ai pas encore vraiment faim, que je mange des aliments par plaisir sans compter car j’ai une dette de plaisir à combler, que je me repose car mon corps doit se reconstruire, et que je prenne du poids. Ça ne sera pas éternellement comme ça. Ne jugez pas ces choses (alimentation, prise de poids, …), ne les commentez pas s’il vous plaît. Parfois c’est dur, c’est normal, mais les efforts que je fais aujourd’hui sont toujours dans l’objectif d’aller mieux demain. Je vais guérir ! Je le sais ! Il y a toujours de l’espoir ! Il faut toujours y croire ! Je suis fière de moi, de mon combat, de ce que j’ai traversé et de ce que vers quoi j’avance.

Ce soir, j’ai écrit dans mon journal de bord : « La petite faim dans le ventre est arrivée en faisant à manger. J’avais mon mal de tête de « j’ai besoin de manger » de toute façon. J'ai à nouveau, comme ce midi, presque mis ******* (je vous cache la quantité volontairement) d'huile dans la poêle pour mes œufs. La maladie me dit que c'est mal mais ce n’est pas grave. Il faut qu'elle accepte qu'elle est finie, que je veux avoir de l'énergie, que je reprends le contrôle de ma vie petit à petit et que je fais confiance à la diététicienne. Les pensées m'obsèdent moins et restent moins en boucle dans ma tête maintenant. Je leur dis « allez-vous en, je veux vivre ! » et puis elles partent plus facilement. Il faut que je mange plus de toute façon. Alors go, autant s’y mettre tout de suite ! »

 

Je remercie chaleureusement mes proches et les thérapeutes qui m’ont aidé et m’aident encore. Merci d’avoir toujours cru en ma guérison !

Merci aussi d’avoir lu mon témoignage. Aujourd'hui, je suis guérie et c'est fantastique de revivre !

 

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Date de dernière mise à jour : 13/02/2023

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